Rivista Orizzonti del Diritto CommercialeISSN 2282-667X
G. Giappichelli Editore

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L'article 1835 et la raison d'être (di Isabelle Urbain-Parleani, Professeur à l’université de Paris-Descartes; membre du CEDAG EA 1516)


L’articolo analizza la portata della nozione di Raison d’être contenuta nell’art. 1835 del Code civi come modificato dalla recente legge francese relativa alla crescita e alla trasformazione delle imprese (l. n. 2019-486 del 22 maggio 2019, c.d. Loi PACTE).

La riforma si inserisce in un ampio contesto di ripensamento del ruolo delle imprese e rappresenta una rivoluzione nella direzione di sviluppare un nuovo modello di capitalismo più responsabile e attento alle istanze sociali.

L’art. 1835 del Codice Civile francese stabilisce la facoltà – per tutte le società – di specificare, nello statuto una Raison d’être (scopo della società) costituita da principi di carattere sociale, ambientale, di solidarietà, progresso ed innovazione, che la società si impegna ad attuare nello svolgimento a lungo termine della sua attività.

L’articolo in primo luogo cerca di definire il concetto di Raison d’être, si sofferma poi sulla distinzione dello stesso dalle altre nozioni di diritto societario (interesse sociale e oggetto sociale), riporta degli esempi di società che hanno già precisato nel proprio statuto una Raison d’être ed esamina, in conclusione, le possibili conseguenze della nuova norma.

Cet article a été publié dans le numéro 2019-10 de la Revue des sociétés. Il est reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Dalloz.

The article analyzes the scope of the notion of Raison d’être contained in Article 1835 of the French Civil Code as amended by the recent law relating to the growth and transformation of enterprises (Law No. 2019-486 of 22 May 2019, the so-called “Loi PACTE”).

The reform is part of a broad project of rethinking the role of businesses and represents a revolution in the direction of developing a new model of capitalism that is more responsible and more careful about social needs.

Article 1835 of the French Civil Code – which applies to all companies – provides for the possibility of specifying, in company’s articles of association, a Raison d’être (company purpose) consisting in social, environmental, solidarity, progress and innovationprinciples, which the company undertakes to implement in the performance of its activity on the long term.

The article firstly tries to give a definition of Raison d’être; secondly, it focuses on the distinction between this concept and other company law concepts (i.e. social interest and social object); thirdly, it provides examples of companies that have already specified in their articles of association a Raison d’être and, lastly, it examines the possible effects of the new rule.

Keywords: Loi Pacte – corporate social responsibility – raison d’être

Sommario/Summary:

- I. Saisir la raison d’être. - A. Définir la raison d’être. - B. Illustrer la raison d’être. - II. Vivre une raison d’être. - A. Situer la raison d’être. - B. Assumer la raison d’être. - NOTE


L’article 1835 du code civil, dans sa rédaction issue de l’article 169 de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, fait apparaître une notion nouvelle en droit des sociétés, «la raison d’être». On perçoit immédiatement le caractère ésotérique de cette notion [2]. L’article 1835 du code civil, relatif aux mentions que doivent comporter les statuts, voit en effet sa lettre ainsi complétée: «Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité». 2. L’introduction de ce concept nouveau est au cœur de la réforme voulue par la loi Pacte. Elle traduit l’ambition du législateur de repenser la place de l’entreprise dans la société afin de l’adapter aux réalités du XXIe siècle[3]. C’est en effet un modèle d’entreprise que le législateur veut proposer. En ce sens, le ministre de l’Économie et des Finances a affirmé que «l’entreprise occupe désormais une place essentielle dans la société, elle a une dimension environnementale, elle a une dimension sociale et elle ne se résume pas à la réalisation de profits»[4]. Sans revenir sur la question de la distinction entre entreprise et société [5], l’on comprend aisément que, pour faire évoluer le modèle de l’entreprise, le législateur ait dû apporter des innovations touchant au droit des sociétés. 3. Introduire une raison d’être est, aux termes de l’article 1835 du code civil, une faculté ouverte à toutes les sociétés, qu’elles soient civiles ou commerciales. Introduire une raison d’être ne devient une obligation que lorsque la société veut devenir une société à mission[6], définie à l’article L. 210-10 du code de commerce. 4. Cette disposition modificative du code civil, socle du droit commun des sociétés civiles et commerciales, est dupliquée dans le code de [...]


I. Saisir la raison d’être.

9. Saisir la raison suppose en premier lieu de la définir (A) et en second lieu de l’illustrer pour la distinguer de notions voisines (B).


A. Définir la raison d’être.

10. Un certain nombre de rapports et d’avis permettent d’approcher la raison d’être. Le rapport Notat-Sénard [19], qui est aux sources de la notion, indique «on peut définir la raison d’être comme l’expression de ce qui est indispensable pour remplir l’objet social […] et [qui] apporte[r] un contrepoids utile au critère financier de court terme». Ce même rapport ajoute «qu’à la manière de la devise d’un État, la raison d’être pour une entreprise est une indication qui mérite d’être explicitée sans pour autant que des effets juridiques précis y soient attachés». C’est sans doute l’avis du Conseil d’État du 14 juin 2018 qui est le plus éclairant [20]. Le Conseil d’État, s’il avait invité le gouvernement à clarifier avant le dépôt du projet de loi «le contenu et la portée de la raison d’être» [21], a indiqué que la raison d’être est «un dessein, une ambition, ou toute autre considération générale tenant à l’affirmation de ses valeurs ou de ses préoccupations de long terme» [22]. De son côté, l’étude d’impact du projet de loi Pacte indique que «cette raison d’être est le motif, la raison pour laquelle la société est constituée. Elle détermine le sens de la gestion de la société et en définit l’identité et la vocation». Enfin, l’exposé des motifs du projet de loi indique «que les sociétés ne doivent plus être guidées par leur seule raison d’avoir, mais par une raison d’être, sorte de doute existentiel fécond, permettant de l’orienter vers une recherche de long terme». La référence à un doute existentiel fécond est une formule d’une maladresse surprenante [23] qui n’a pas manqué de susciter des réactions critiques, réactions que l’on ne peut que partager au regard de la sécurité juridique. Retenons seulement de cet exposé des motifs que «la raison d’être» est [...]


B. Illustrer la raison d’être.

15. Donner quelques exemples de raison d’être (1) permet de la distinguer d’autres notions bien connues du droit des sociétés (2). 16. Les exemples. La société Véolia a ainsi adopté, le 18 avril 2019, une raison d’être hors statuts [32] et a précisé les moyens de sa mise en œuvre, autour de sa mission, ressourcer le monde. Si l’on essaie de synthétiser cette raison d’être, Veolia se donne pour but de contribuer au progrès humain, à la santé publique, aux enjeux économiques et environnementaux, à faciliter l’accès aux ressources naturelles et le bien-être de ses salariés. La société Veolia a indiqué de façon détaillée les moyens qu’elle met en œuvre pour atteindre ses objectifs [33]. Une autre raison d’être peut être citée, celle de la société Atos. Celle-ci est la première société cotée à avoir adopté, le 30 avril 2019, dans ses statuts une raison d’être [34]. Cette raison d’être vise à «travailler et progresser durablement en toute confiance dans l’espace informationnel» [35]. Enfin, la société Carrefour a adopté, lors de la tenue de son assemblée du 14 juin 2019, une raison d’être statutaire qui est au cœur de la transformation lancée par le nouveau président, Alexandre Bompard, «Une alimentation de qualité accessible à tous». 17. Mais il existait des «pionniers» qui n’avaient pas attendu la loi Pacte pour introduire une raison d’être. On peut citer la Camif qui a comme raison d’être de «proposer des produits ou services pour la maison conçus au bénéfice de l’homme et de la planéte»[36]. La société Danone, «one Planet, one earth», dont la raison d’être est «nous nous développerons en tant que B Corp TM, en innovant pour redonner tout son plaisir à l’alimentation»[37]. Doit également être citée la société Michelin qui, depuis 2013, dispose d’une raison d’être hors statuts: [...]


II. Vivre une raison d’être.

22. Adopter une raison d’être reste un choix. La raison d’être est, on le rappelle, facultative[42]. Sa rédaction est bien sûr libre. Elle pourra revêtir une force plus ou moins contraignante et les exemples choisis nous l’ont montré. Il faut alors situer la raison d’être dans les documents de la société (A). Une fois adoptée, il en résultera une image positive pour l’entreprise, source de richesse et de valeur, mais aussi de risques que la société devra assumer (B).


A. Situer la raison d’être.

23. La raison d’être doit être élaborée par la société puis, en principe, et selon l’article 1835 du code civil, introduite dans les statuts, mais rien n’interdit qu’elle soit hors statuts. 24. L’introduction de la raison d’être dans les statuts, outre la force donnée à l’engagement de la société, présente un avantage: la raison d’être émane de l’organe souverain, l’assemblée générale extraordinaire. Ainsi qu’il l’a été relevé: «on évite l’apparition subreptice d’une raison d’être par le biais de déclarations répétées par la direction générale au fil des assemblées ou à l’occasion de l’acquisition de filiales étrangères déjà dotées d’une raison d’être»[43]. Dès qu’elle sera inscrite dans les statuts, la raison d’être s’imposera aux associés et aux dirigeants, comme toute disposition statutaire. 25. L’article 61bisdu projet de loi Pacte, après l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale avait prévu que l’inscription d’une raison d’être dans les statuts devait donner lieu à une assemblée générale uniquement consacrée à l’adoption de cette inscription [44]. Ce formalisme était excessif. Il a été supprimé par le Sénat. Il n’a pas été restauré par l’Assemblée nationale, ce que l’on ne peut qu’approuver. Précisons que la raison d’être même intégrée aux statuts n’est pas figée. Elle peut évoluer ou être supprimée. Une modification statutaire devra, dans chacune des deux hypothèses, être effectuée. Enfin, l’insertion d’une raison d’être n’étant pas étrangère aux orientations stratégiques de l’entreprise, il serait sans doute opportun de consulter le Comité social et économique (C. trav., art. L. 2312-24). La raison d’être peut également être introduite [...]


B. Assumer la raison d’être.

27. Introduire une raison d’être oblige, aux termes de l’article 1835 du code civil, à respecter les principes dont la société s’est dotée en formulant cet engagement. La raison d’être devient alors un déterminant de l’activité de l’en­treprise que les dirigeants doivent prendre en considération[46]. À suivre les articles L. 225-35 et L. 225-64 et suivants, il devrait en résulter que seuls les actes émanant des organes de gestion devraient pouvoir être appréciés au regard de la raison d’être. Mais il est évident que le caractère souvent très général de certaines raisons d’être sera source de difficultés et de risques. 28. On s’intéressera d’abord aux conséquences de la raison d’être sur le terrain civil (1) puis aux conséquences liées au caractère informatif de la raison d’être (2). 1. Assumer la raison d’être sur le terrain civil. 29. La violation d’une raison d’être peut entrainer, d’une part la responsabilité civile de la société, d’autre part la responsabilité civile des dirigeants. Le risque pèse davantage sur la société que sur les dirigeants. Il faut toutefois immédiatement préciser que le non-respect de la raison d’être ne peut entraîner, au regard de l’article 1844-10 du code civil, la nullité d’un acte ou d’une délibération. a) La responsabilité civile de la société. 30. Les sociétés sont responsables civilement des agissements dommageables commis en leur nom[47]. Paul Le Cannu et Bruno Dondero avaient déjà souligné que cet instrument de la responsabilité civile qu’est l’action contre la société trouve un terrain d’élection dans le domaine de la responsabilité sociétale des entreprises et dans le cadre des exigences du développement durable[48]. Il en sera de même avec la raison d’être. Il ne faut pas sous-estimer ce risque. Un tiers peut agir contre la société en cas de manquement à la raison d’être dès lors que [...]


NOTE